Miroir d’Alexandre*
La Coupe pleine de Vin
est le miroir d’Alexandre
Regarde, tu verras tout
un Royaume enchanté. (Hafiz)**
Alexandre le Grand, du point de vue des historians euro centriques , est un guerrier qui a vaincu le plus grand empire de l’époque en moins de trois ans et répandu la civilisation de l’occident vers l’est en y construisant plus d’une centaine de villes.
Mais depuis le milieu du XXe siècle, plusieurs spécialistes de l’histoire en Occident ont mis en question cette conception du caractère d’Alexandre et l’ont replacée dans une perspective d’hégémonie européenne. A l’ère de la domination occidentale du monde, les marins et les «explorateurs» du nouveau monde se considéraient comme les porteurs de civilisation, et à la différence d’Alexandre qui promouvait l’hellénisme, eux, diffusaient la religion du Christ.
Parmi ces savants occidentaux, Pierre Briant est considéré comme l’une des références de cette période historique notamment par son ouvrage, « Histoire de l’Empire perse ». En présentant son livre à l’Université de Toulouse, où j’étais présent, il a répondu à l’un des participants qui lui a demandé comment quelqu’un de » soixa
nte-huitard » comme lui pouvait écrire un livre de 1200 pages sur un empire. Il a répondu que ses recherches portaient initialement sur Alexandre, mais en est rapidement venu à la conclusion qu’Alexandre suivait le modèle de Cyrus l’Achéménide ce qui l’a conduit à l’étude de l’empire perse.
Cyrus et Alexandre
L’idée de créer un empire mondial existait dans certaines des anciennes cités-états de Mésopotamie, y compris l’Assyrie, mais n’a pas eu de concrétisation. C’est Cyrus qui a pu établir le premier empire mondial et subjuguer une grande partie du monde connu de cette époque pendant plus deux siècles. Bien qu’Alexandre ait lu l’Iliade d’Homère à son maître Aristote et ait souhaité succéder à Achille, il a emprunté l’idée d’un «empire mondial» à Cyrus. Alexandre visita la tombe d’Achille pour lui rendre hommage et, après avoir conquis le plateau iranien, il se rendit à Pasargades pour rendre hommage à Cyrus. *
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* Jules César et Napoléon sont allés en Égypte pour admirer Alexandre. Suivant cette tradition, Napoléon et Frédéric II rendirent visite à Jules César et plus tard Hitler vint sur la tombe de Napoléon pour se mettre dans son sillage. Mais cette tradition a été établie par Alexandre lui-même, il a visité la tombe d’Achille, le héros de la guerre de Troie, avant d’attaquer l’empire achéménide, et quand il a conquis le plateau, il est allé à Pasargades pour rendre hommage à Cyrus.
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Il n’y a aucun doute sur le génie militaire de ce commandant de vingt ans. Il a parcouru treize mille kilomètres avec une armée de quarante mille hommes et a conquis un territoire allant de la Grèce à l’Inde en trois ans. Il remporte de nombreuses batailles dans des terres inconnues, à une époque où il était bien plus faible que son rival en termes de combattants et d’équipement militaire.
S’il n’y a aucun doute dans son génie militaire, il y en a beaucoup sur son sens politique et sa gestion pour préserver ce qu’il a accompli. Alexandre connaissait la tradition de la guerre et conquis la Grèce auprès de son père, le roi de Macédoine. Cependant il n’y avait aucune expérience de la gestion de vastes territoires en Grèce et le règne des cités-états ne dépassait pas un territoire limité autour de la ville. Alexandre a pu utiliser le système administratif achéménide pendant une courte période et, selon la tradition hellénique, a installé des colonies dans de nouvelles villes.
Lorsque le général macédonien de 33 ans meurt à Babylone des suites d’une blessure par flèche reçue dans la vallée de l’Indus, son empire se désintégrera aussi vite qu’il avait été créé. Ses descendants prendront, chacun d’entre eux, le contrôle d’une partie de l’empire. Comparé aux deux siècles de l’empire achéménide, le règne d’Alexandre n’a été qu’une parenthèse dans le cours de l’Histoire. Cependant, les effets de la civilisation hellénique ont été très forts et durables.
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*Le miroir d’Alexandre, dans la littérature iranienne est une expression allégorique pour renvoyer au miroir qui aurait été installé sur le phare d’Alexandrie pour observer le monde, esquivant de Coupe du vin de Jamsheed le Roi ans la mythologique iranienne.
..**Traduit par Gilbert Lazard. Cent un ghazals amoureux, Gallimard.
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Référence:
Alexandre le Grand (deux parties) | 2000 ans d’histoire | France Inter