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Le pèlerinage de Saint Jacques  de Compostelle et son rôle dans l’émergence de l’Europe moderne.

Les Musulmans en Espagne
Les musulmans ont envahi la péninsule ibérique au huitième siècle après JC et ont conquis une grande partie de l’Espagne et du Portugal. La traversée musulmane des Pyrénées et la conquête de certaines parties de la France ne se sont pas poursuivies, mais c’était un dur réveil pour les gouvernements locaux européens. Venus de l’Est, après avoir conquis le Moyen-Orient, les musulmans pensaient conquérir Constantinople (Istanbul). L’ennemi commun va exiger l’établissement d’un pouvoir  puissant en Europe. Ce sera fait par Charlemagne qui devient le fondateur d’un empire dont les successeurs ont régné sur une grande partie de l’Europe pendant plus de 10 siècles. Cet Empire  se réclame  comme le successeur de l’Empire romain et le défenseur du christianisme. Charlemagne va traverser les Pyrénées à deux reprises et combat les Arabes sans succès. Pour autant, ces entreprises guerrières sont la preuve de la volonté en Europe de s’opposer aux musulmans.

  La légende de Saint Jacques en Espagne
Selon la légende, Saint Jacques l’un des douze apôtres du Christ, a été envoyé en Espagne pour promouvoir la  » bonne nouvelle ». A son retour à Jérusalem en 44 après JC, Jacques fut assassiné par Hérode, roi de Jérusalem. La suite de la narration raconte que son corps a été mis dans un bateau par les croyants et transporté en Espagne sous la direction d’un ange. Puis son corps a été abrité dans une grotte dans la région  de Galice. Par  la suite au 9ème siècle, un croyant  a découvert Saint-Jacques grâce aux étoiles à Compostelle. Avant cette date, Saint-Jacques était particulièrement salué comme le fondateur du christianisme en Espagne parmi les croyants chrétiens en dehors de la domination musulmans . Ce contexte historique met en lumière la survenue d’un tel « miracle » dans le nord de l’Espagne, une région qui à l’époque était connue comme la « fin de la terre / fin du monde ».
La diffusion de tels récits a fourni la base spirituelle  de la reconquête de l’Espagne. Il y avait à l’époque diverses légendes: on disait que Saint Jacques avait amené sa tête décapitée en Espagne, ou aurait monté un cheval blanc avec une croix rouge brodée * sur le ciel espagnol et promit la liberté aux croyants. Ces légendes ont donné espoir aux masses chrétiennes et ont conduit à leur future mobilisation dans la lutte contre les «infidèles occupants». Désormais, selon la tradition, Saint-Jacques sera à la tête des forces chrétiennes dans la guerre. Le titre « Mata Maure » est ajouté à Saint Jacques, signifiant le tueur de « Maures », les Arabes! Il restera le guide et le gardien de l’Espagne tout au long du Moyen Âge. A cet égard, un ordre  militaro-religieux appelée Saint-Jacques a été créé, dont les règlements et les devoirs étaient calqués sur l’ordre  des «pauvres chevaliers du Christ au Temple de Salomon» et était chargé de la sécurité des routes de pèlerinage et des lieux saints. Au neuvième siècle, le roi des Asturies,   Alphonse II se rendit à pied au sanctuaire de Santiago de Compostela et ordonna la construction d’une magnifique église. Par ailleurs l’administration de ces routes exigeait un système coordonné, d’autant plus que les dirigeants musulmans étaient conscients du danger et que Abdul Rahman Amir « Kroduba » détruisit Santiago en 997 et prit les cloches de l’église comme symbole du sanctuaire. Cet événement a montré que les deux parties en conflit étaient conscientes de l’importance du rôle du sanctuaire dans le sort des guerres futures.

 

 

Extension du chemin de pèlerinage de Saint-Jacques-de-Compostelle

                Le déplacement de pèlerins à Santiago venant de différentes parties de l’Europe a conduit à l’émergence de routes, de ponts et de prospérité économique le long de la route. L’expansion de cette route va devenir beaucoup plus importante dans la partie espagnole. Des  monastères, des  hôpitaux, des dortoirs et divers types de services pour les pèlerins vont être construits. Les pouvoirs  européens et les nobles  vont lever des fonds publics pour aider  ces installations de service, et les branches locales de l’Église catholique vont élargir leur crédibilité et leur réseau de communication en mobilisant les fidèles.  Marcher pendant des centaines de kilomètres à pied malgré les dangers et les événements du voyage va créer une mémoire commune pour les croyants et renforcer leur lien d’appartenance à la «grande nation du Christ». De plus, le récit de ce voyage mouvementé va accroître l’enthousiasme des autres croyants à participer à cette aventure commune. L’expansion des routes et la présence de voyageurs de toute l’Europe va conduire à la prospérité économique des villes et villages tout au long de la route. Cela a permis également le transfert d’expériences dans divers domaines, y compris la culture de vigne  et l’amélioration de la qualité du vin dans le nord de l’Espagne. L’expansion des ports et du commerce en sont d’autres dimensions.

          La passion religieuse des pèlerins au service de la reconquête de la terre du Christ aux «infidèles»

              Avec la colonisation de l’Espagne  par  des musulmans (appelés par les chrétiens « Maures » ou « Sarrasins »), seule la partie nord de la péninsule est restée entre les mains des pouvoirs  locaux qui payaient des impôts  pour conserver leur fiefs. Des pouvoirs locaux  qui, avant et après l’arrivée des musulmans, étaient toujours en conflits internes .Bien que les musulmans aient été initialement unis sous la bannière des Omeyyades, il ne fallut pas longtemps avant qu’ils subissent eux aussi une lutte pour le pouvoir et le régime tribal remplaça le régime omeyyade. Et dans ces rivalités locales, il y eut, des deux côtés, des alliances avec «l’ennemi». Le processus de diminution du pouvoir musulman sur la péninsule ibérique, appelé plus tard la «reconquête», a commencé au neuvième siècle. Dans chaque région, selon l’équilibre des pouvoirs, le dirigeant local était vassal, soit d’un roi chrétien, soit d’un émir musulman. La propagation d’un sentiment

d’appartenance à la «nation du Christ» puis à «la terre d’Espagne» va se manifester dans la guerre contre les «infidèles occupants», et le pèlerinage à Santiago devint l’épine dorsale de ce mouvement, affectant non seulement l’histoire future de l’Espagne mais aussi l’histoire de l’Europe médiévale. La reconquête de l’Espagne a duré quelques  siècles. Son résultat fût la construction d’Etats puissants au Portugal, puis en Espagne. Les gouvernements du Portugal et d’Espagne, utilisant les divers Ordres  qui avaient acquis une vaste expérience des croisades, ont pu découvrir de «nouvelles terres» avant leurs rivaux européens et propager le christianisme parmi les indigènes. L’Église, en soutien direct à la formation des empires portugais et espagnol, leur a donné la souveraineté sur les Amériques pas encore été pleinement explorées. Bien que la présence et le soutien de l’Église aient donné à l’Empire espagnol la suprématie sur le monde au cours des XVe et XVIe siècles, la création de l’Inquisition a accru la répression religieuse, privant l’Espagne du fleuron du mouvement de la Renaissance. Un pays  possédant les réalisations culturelles et scientifiques de la période andalouse et qui avait amassé une grande richesse matérielle des colonies,  n’a pas pu profiter  de ses acquis et du progrès qui se développait en Europe en raison de la suprématie  de l’Eglise. La fusion du pouvoir politique et de l’Église catholique  a continué en Espagne jusqu’à la fin du XXe siècle.