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L’école néo-platonicienne est un pont entre la philosophie grecque classique et les écoles philosophiques et intellectuelles de la période médiévale tant dans le monde chrétien que dans le monde musulman. Le principal représentant de ce mouvement philosophique était Plotin. Bien que Plotin soit un disciple de Platon, sept siècles les ont séparés.  Platon vivait dans la cité-État grecque et Plotin en Égypte sous la domination de l’Empire romain.   Une époque différente, dont l’une des caractéristiques était  l’émergence des grandes villes  multiculturelles et multi confessionnelles.

Une époque où les dieux locaux ne répondaient pas aux besoins humains et les religions trans ethniques de l’Asie de l’Est à l’Europe de l’Ouest avaient pris le relais : le christianisme a pu infiltrer  l’appareil d’État de l’Empire romain et déployer ses ailes dans tout l’empire. A l’Est, les rois sassanides en dépit du bon accueil initial à Mani, sont  restés fidèles à leur propre religion, le Zoroastrisme. Les ailes manichéennes coupées ont ouvert la voie à la propagation d’une autre religion à caractère  mondial.  Cette religion sera l’islam, trois siècles plus tard, qui comblera ce vide à l’Est.

Le christianisme et l’islam, des siècles plus tard, ont eu besoin d’outils intellectuels pour leur développement. Bien que la base de ces religions soit fondée sur la croyance, elles avaient besoin de méthodes et d’arguments pour convaincre leurs publics. Elles les ont trouvés dans la philosophie. La philosophie de Plotin était le pont qui les conduisait à leur but. Saint Augustin sera le représentant de ce changement pour le christianisme et Al-Kindi et Fârâbî pour l’islam. Ce sont eux qui ont parlé de la philosophie platonicienne et nouvelle platonicienne au Moyen Âge pour le christianisme en Occident et pour les élites musulmanes en Orient. Ce n’est qu’après la Renaissance que Platon et Plotin sont revenu des « philosophes ». Dans l’école idéaliste allemande, Kant et Hegel ont été parmi les premiers philosophes renommés à bénéficier de la pensée de Platon, suivis par Bergson et même des philosophes comme Deleuze de nos jours.

La vie de Plotin :

Plotin naquit dans une famille riche en Égypte au début du troisième siècle de notre ère. Il a vécu pendant la période de transition de la culture hellénistique à la pensée chrétienne. À Alexandrie, il a étudié la philosophie grecque pendant onze ans et s’est familiarisé avec la pensée iranienne et hindoue grâce à son maître Ammoniums pour qui, la philosophie était avant tout un mode de vie fondé sur  le raisonnement. Puis Plotin est allé à Rome et a formé un cercle, composé de ses disciples de sénateurs, avocats, médecins. Parmi ses orateurs  se trouvaient plusieurs  chrétiens. Ses cours de la philosophie étaient même donnés à l’invitation de la femme de l’empereur, cours auquel l’empereur lui-même participait et les femmes étaient libres d’y assister.

Plotin accompagnait l’armée romaine pendant la campagne de l’empereur contre les sassanides. C’était l’opportunité pour lui de connaitre de près  la pensée et laculture de  l’Iran et  de l’Inde. Après la défaite de l’armée romaine et la mort de l’empereur, Plotin a dû s’enfuir à Antioche puis il a pu regagner Rome et reprendre ses activités. Durant cette période, Porphyre a rejoint son

cercle de proches, et c’est grâce à lui qu’aujourd’hui,  nous avons son œuvre écrite. Il y avait aussi un étudiant peintre qui voulait peindre le visage du maître mais comme « Plotin avait honte d’être dans un corps », celui-ci refusa, en disant: « L’ombre qui a voilé notre nature n’est- elle pas assez suffisante ?  » Vous voulez copier cette ombre avec une autre ombre pour que les prochains la voit ?.

A la fin de sa vie, ses riches disciples ont proposé de construire une petite ville dans le sud de l’Italie pour enseigner la philosophie sous sa tutelle, mais la lèpre du maître ayant défiguré son visage, ses élèves se sont dispersés. Il est mort à l’âge de soixante-six ans à Campanile, dans le sud de l’Italie.

La pensée de Plotin :

Dans la philosophie grecque, la connaissance du monde est au cœur de la pensée philosophique. La recherche d’un dénominateur commun était le point central des travaux de tous les philosophes. Pour Thalès de Milet, l’eau ; pour Anaximène penseur de Milet, l’air ; pour Démocrite ou Epicure, l’atome ; pour Platon, l’idée ; pour Aristide, la Forme et pour Plotin, l’Un, le caractère unitaire, unificateur face à la pluralité du monde changeant et éphémère. L’unité face à la multiplicité.

Certes, Platon a nourri la pensée de Plotin. Mais les sept cents ans d’écart entre les deux philosophes et la domination de divers courants philosophiques* ont permis à Plotin de développer la structure philosophique de Platon : les plantes, les animaux, les êtres humains, l’âme  du monde jusqu’à l’intellect(le noûs) qui  est de l’ordre des idées et  des formes. Dans cette hiérarchie, un mouvement ascendant tire tout vers le haut, en direction d’un monde d’idées.

Pour Plotin au-delà de cet étape, l’intellect et le » bien » se rapprochent   car ils se sentent déficients et cela les pousse à « s’unir pour monter vers l’Un, placé dans la position de « supériorité de tout ». L’Un est inqualifiable. Aucun attribut ne peut l’affecter. Le rapport de « l’Un » avec la hiérarchie substantielle est de « progéniture et création » qui s’écoule jusqu’au le plus bas degré de l’échèle. Ce mouvement descendant est motivé par la création. Il y a un autre mouvement inverse, ascendant de la matière vers l’intellect, animé par l’Ame du monde et de là vers « l’Un « motivé par le « bien ». Ce mouvement vers le haut est activé par le désir de combler son manque. Ces deux mouvements sont simultanés. Ce mouvement à double sens est le cœur palpitant du système de l’univers

Néo platonisme et le christianisme

Plotin avait fait ses études de philosophie à Alexandrie. Avec Jérusalem, Antioche et Constantinople, Alexandrie était l’une des plus grandes villes où le christianisme était présent dès le premier siècle. Plotin connaissait donc les débats entre chrétiens dans sa ville.  Quand Plotin a commencé ses cours à Rome, des chrétiens y participaient et assistaient aux débats avec le Maître.

Il y a des similitudes entre ces courants de pensée, surtout entre le premier principe de Plotin(l’UN) et le Dieu chrétien. Mais le premier est dans le système cosmique et dans des rapports d’émanation  avec le monde subalterne, alors que le Dieu chrétien est un Dieu créature.

Chez Plotin, l’Un, l’intellect et l’Ame du monde sont en rapport direct, ce qui n’est pas sans rapport avec la Trinité des chrétiens (Dieu le Père, Jésus le fils et le Saint-Esprit). C’était l’idée soutenue par les patriarches à Alexandrie au cours des débats internes en conseils organisés au 3 et 4ème siècle.

Bref dans les premiers siècles du christianisme, l’Église a emprunté aux philosophes les méthodes et les arguments et même le vocabulaire afin d’être mieux armée pour contrer ses rivaux. Saint Augustin, le plus grand penseur du christianisme du Moyen-Âge est fortement redevable à la philosophie néoplatonicienne et au manichéisme. L’église a mené deux stratégies : soit considérer les néo-platoniciens comme des adorateurs de Dieu et par conséquent,  leur retirer leurs outils intellectuels, soit fabriquer ces outils et proposer une pensée chrétienne en omettant les apports de ces philosophes païens. Nous savons que l’élève de Plotin, Porphyre, qui a rassemblé les œuvres du maître, a écrit un article pour rejeter le christianisme, dans lequel il a qualifié la philosophie comme une pratique intellectuelle fondée sur le questionnement et le raisonnement, fort différent de la religion qui est le résultat de la foi. Le but de la religion est d’adorer un Dieu, et elle mobilise tous les arguments et toutes les méthodes, notamment le langage philosophique pour y accéder. Pour les premiers, le résultat n’est pas défini par avance, et pour les seconds, le but est prédéterminé.

Les œuvres écrites des platoniciens ont été brûlées à plusieurs reprises par la pression chrétienne, même lorsque le christianisme n’était pas encore une religion officielle. Plus tard, les écoles de philosophie athénienne ont été fermées et elles ont migré vers l’est, vers l’empire sassanide.

Néo platoniciens et islam

La migration des enseignants et des penseurs de Constantinople vers l’Est a conduit à la traduction d’ouvrages philosophiques et scientifiques grecs, en pahlavi et après l’avènement de l’islam, en arabe. Comme les chrétiens, les musulmans ont utilisé la philosophie grecque comme outil de lutte idéologique contre leurs rivaux, à la différence que le christianisme a prospéré dans la culture hellénistique et que le grec, était sinon la langue principale, mais au moins la langue de la science et de la philosophie. En Orient, de nombreuses élites ne connaissaient pas le grec et avaient accès à la traduction de ces ouvrages. Les traductions qui ont été faites n’étaient pas très exactes et les écrits des néoplatoniciens étaient considérés comme l’œuvre de Platon et d’Aristote. Le début de la pensée religieuse de l’Islam est inscrit dans le cadre des néo-platoniciens  des pensées gnostiques,  et chaque penseur a profité de l’accès à ces pensées et y a ajouté ses propres caractéristiques. De Fârâbî, qui était appelé le deuxième Maître  dont l’expertise concernait les idées d’Aristote, à Ghazali qui était connu pour son opposition farouche à la philosophie, et d’Ibn Sina, le rationaliste, à Sohroudi, qui a suivi l’illumination de Khosrowani, ils ont tous bénéficié de l’éloquence néo-platonicienne. La théologie, le mysticisme, le soufisme et la pensée islamique en général prennent leurs racines principales dans la pensée néo-platonicienne. Bien sûr, comme le christianisme, les musulmans empruntaient à la philosophie ce qui se trouvait dans le cadre de leur foi et la question et la recherche philosophique s’arrêtaient à la frontière de la foi dans ce domaine.

 

Le Néoplatonisme avec Anne Baudart

https://www.youtube.com/watch?v=E70txcPRDmk

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Les nouveaux chemins de la connaissance par Raphaël Enthoven Date de diffusion : 15.07.2009 Invité : Lucien Jerphagnon (universitaire, historien et philosophe, spécialiste de la pensée grecque et romaine)

https://www.youtube.com/watch?v=LAosjWAID_E&t=226s

-Plotin Karl JASPER traduit en persan par Hassan LOTFI.

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Le Néoplatonisme avec Anne Baudart

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Plotin avec Lucien Jerphagnon